Anne-Claude Rossier Ramuz, le semi-confinement est une source de stress pour nombre de couples. Observez-vous une hausse des consultations?
Oui, et cette hausse est même importante. Cela s’explique par le fait que de nombreux facteurs accroissent les tensions au sein du couple. Ce peut être les difficultés économiques et le chômage partiel, mais aussi la fatigue liée à la pression professionnelle pour les soignants, les enseignants, les indépendants. Il y a aussi les difficultés liées au fait que les grands-parents peuvent plus difficilement garder leurs petits-enfants. Le soutien et les liens intergénérationnels sont mis à mal. Les couples qui pouvaient s’échapper pour un week-end ou quelques jours de vacances en confiant les enfants n’ont plus cette opportunité.
Par ailleurs, en période de semi-confinement, les jours se répètent sans grande diversité. Comment un couple peut-il briser la monotonie qui s’installe?
C’est vrai, la vie sociale est limitée et les contacts entre adultes – collègues, amis – manquent à tous les couples, que ceux-ci aient des enfants ou non. Il est alors important de se donner des rendez-vous – cela permet de se réjouir à l’avance et ne pas être pris par la facilité des écrans. Il peut s’agir ici d’une soirée autour d’un jeu, une balade à l’extérieur ou même la confection à deux de desserts. Autant d’activités qui permettent d’être ensemble tout en se mettant à l’écoute de son corps, de ses sensations.
Les couples avec enfants doivent en plus gérer la cellule familiale. Une source supplémentaire de tensions?
Oui, car il faut gérer les imprévus, la maladie d’un enfant, d’un parent, les réorganisations, les pressions et la fatigue engendrée par le climat ambiant. On ne peut pas vraiment parler de monotonie, mais de risque d’épuisement. Il est important de réfléchir – à deux si possible – aux moyens de se reposer et de se relayer.
Car l’union fait la force…
Exactement. Malheureusement, le premier semi-confinement a montré qu’il n’y avait eu que peu de renégociations des tâches domestiques. Les femmes ont majoritairement continué à assumer les tâches familiales, avec la responsabilité du travail scolaire des enfants à la maison en plus du télétravail. Cette charge mentale, qui est liée aux représentations sous-tendant les inégalités de genre et à l’invisibilisation du travail domestique, pèse fortement sur le désir.
Le Covid-19 est donc aussi un tue-l’amour…
Ce qui tue l’amour, c’est de croire que le désir sexuel de l’autre constitue le thermomètre de ses sentiments et de son attachement. Alors oui, les couples traversent une période de crise -généralisée, mais une crise est à la fois un risque et une formidable occasion de changement. Les limitations actuelles doivent nous inciter à inventer d’autres manières de se rencontrer.